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Le Messerschmitt 262 fut l'un des chasseurs les plus performants en service à la fin de la seconde guerre mondiale. La technologie utilisée par les Allemands ne fut rattrapée par les Alliés que plusieurs années après la guerre. Il était très rapide, bien armé, et maniable. Il aurait dominé tous les adversaires qui auraient pu lui être opposés. Il avait aussi des défauts : ses moteurs peu fiables avaient tendance à prendre feu et leur accélération était insuffisante. Son train d'atterrissage, tricycle comme sur tous les avions modernes, était trop fragile et ses canons (une batterie de 4 x 30 mm dans le nez, capable de pulvériser n'importe quel quadrimoteur américain en une très courte rafale) s'enrayaient.
Le programme fut retardé par la lenteur de la mise au point des moteurs. L'avion vola avec un moteur à piston dès avril 1941 mais il fallut attendre juillet 1942 pour le voir voler avec des réacteurs. Leur poussée était si faible qu'il fallut en mettre 2 : c'est pourquoi le Me 262 est un bimoteur alors qu'il a les dimensions d'un monomoteur. La première unité expérimentale ne fut formée que le 30 juin 1944 et la première unité opérationnelle en septembre. De nombreux historiens accusent Hitler d'avoir retardé de 7 mois la mise en service du Me 262 en ordonnant sa transformation en chasseur-bombardier. Cependant, les dates (données dans cet article) montrent que le Me 262 fut mis au point au moins aussi rapidement que, par exemple, le Fw 190, et beaucoup plus que, entre autres, les Me 210/Me 410 ou He 177. Par ailleurs, les Me 262 de série devaient se révéler mécaniquement peu fiables, leurs réacteurs étant construits avec beaucoup moins de soin que ceux des prototypes. Les premiers chasseurs à réaction alliés présentèrent d'ailleurs la même faiblesse (le P-59 Airacomet américain ne fut même pas engagé au combat et l'as américain Richard Bong devait se tuer sur panne de moteur d'un P-80 Shooting Star). En outre, le Me 262 se montra peu efficace comme bombardier parce que sa vitesse engendrait une certaine imprécision. Enfin, on remarquera que les Américains (entre autres) s'empressèrent de transformer leur premier chasseur à réaction valable, le Lockheed P-80 Shooting Star, en chasseur-bombardier, constatant d'ailleurs en Corée la même infériorité de précision par rapport aux P-51 Mustang et F4U Corsair à hélice. Les Américains s'inspireront de l'aile du Me 262 pour leur F-86 Sabre, alors que les russes utiliseront des réacteurs jumo 004 pour motoriser leur premier jet le yak 15.
Des prototypes ayant montré que l'avion à réaction était utilisable, restait à le mettre au point et à en établir le mode d'emploi, dont on s'aperçut vite qu'il ne pouvait être exactement semblable à celui des avions à hélice. Pour ce faire, on créa en été 1942 l'EKdo 16, équipé de l'ensemble des modèles alors disponibles : He 280, Me 163, Me 262 et Me 328.
Au printemps 1944, la mise en service du Me 262 apparaissant comme proche, on choisit comme première unité devant effectuer la conversion le III/ZG 26, groupe considéré comme le meilleur des chasseurs lourds (le Me 262, bien qu'ayant les dimensions d'un monomoteur, était un bimoteur), et 2 de ses 3 escadrilles (8+9) le quittèrent pour devenir en mai 1944 l'EKdo 262 sur Me 262. Essais et entraînement continuèrent jusqu'à fin septembre 1944, l'EKdo 262 devenant alors III/JG 6, redésignation montrant qu'il faisait désormais partie des unités de combat.
Mais début octobre, le III/JG 6 est gonflé à 4 escadrilles et devient Kdo Nowotny, du nom de l'as qui le commande. Ses interventions sur le front ouest deviennent suffisamment visibles pour que les Anglo-Saxons surveillent très sérieusement sa base (les avions à réaction sont en effet très vulnérables au décollage et à l'atterrissage par suite de la faible puissance des réacteurs de l'époque, et Walter Nowotny est ainsi abattu par un P-47 américain; et non par un Tempest anglais comme le raconte Clostermann). De fait, l'unité change de nom au milieu de novembre et devient III/JG 7 (à 3 escadrilles. Pourquoi III et non I ? Probablement en référence au III/ZG 26 d'origine). Le III/JG 7 combat dès lors comme une unité normale, protégé à l'atterrissage et au décollage par des chasseurs à hélice.
En décembre 1944 est créé le I/JG 7, suivi en février 1945 du II/JG 7 (ex-IV/JG 54) puis, en mai 1945, juste avant la capitulation, du IV/JG 7 (ex-JV 44). Le JG 7 termine donc la guerre comme une escadre complète à 4 groupes de combat.
Le JV 44 dont il vient d'être question fut créé au milieu de février 1945 en regroupant des pilotes expérimentés mais dont Göring ne voulait plus entendre parler. Assez curieusement, on leur laissa toute latitude pour s'organiser entre eux et on leur attribua le meilleur matériel disponible : on imagine mal les aviations anglo-saxonnes, française, ou russe procéder de même... Le JV 44 reçoit donc des Me 262 et une escadrille de protection sur Fw 190D (ex-12/JG 54), dite «Papagei Staffel» (= Escadrille Perroquet, à cause des couleurs très vives dont sont peints ses avions pour que la DCA ne leur tire pas trop dessus). Ce JV 44 absorbe ensuite l'EKdo 162 puis, début mai 1945, devient IV/JG 7, quelques jours avant la capitulation.
Début janvier 1945 sont constitués les IndSSchw 1 et 2, prévus sur Me 262. Il s'agit de sections autonomes destinées à la défense de sites industriels précis. Mais ces formations sont dissoutes début février.
Dès fin juin 1944, le I/KG 51 reçoit des Me 262 en complément de ses Me 410; la conversion du groupe est en effet prévue depuis le début de juin.
Début septembre, le IV(Erg)/KG 51 reçoit un complément de Me 262 tandis que le 3/KG 51 quitte son groupe et devient EKdo Schenck sur Me 262 pour mettre au point l'emploi de l'avion à réaction en tant que bombardier. Fin septembre, l'unité est redésignée Kdo Edelweiss (en référence à l'insigne du KG 51) mais pour fort peu de temps puisque, dès début octobre, la formation redevient 3/KG 51. Toujours en septembre, le II/KG 51 reçoit aussi quelques Me 262. Au milieu d'octobre, les I/KG 51 et II/KG 51 sont entièrement convertis sur Me 262. En novembre-décembre 1944, les III/KG 51 et IV(Erg)/KG 51 (qui n'a plus de Me 262) quittent l'escadre. Le KG 51 n'a donc plus que 2 groupes mais vole entièrement sur Me 262. Fin avril 1945, le II/KG 51 est dissous mais le I/KG 51 demeure jusqu'à la fin de la guerre. Certes, les Me 262 étaient à peu près impossibles à intercepter durant leur mission mais leur faible nombre et l'imprécision de leurs attaques firent qu'ils n'eurent à peu près aucune influence sur le cours des événements.
En automne 1944 était apparu le Kdo Sperling par dédoublement du 3/KG 51, qui reçoit le Me 262. Mais il est dissous dès octobre pour être recréé en novembre cette fois sur Ar 234, car destiné à la reconnaissance.
Mais une autre série d'unités de bombardement s'intéresse au Me 262. La nécessité de renforcer la chasse par tous les moyens pour essayer de contrer l'offensive anglo-saxonne et la perte des pétroles de Roumanie conduisent à réorienter toute l'industrie aéronautique vers la production de chasseurs. Par conséquent, de nombreuses unités sont dissoutes dans les autres spécialités (sauf l'assaut) et les aviateurs ainsi récupérés doivent être réinstruits comme chasseurs (pour les pilotes; les autres sont envoyés dans l'armée de terre). Disparaissent ainsi la quasi-totalité des groupes de He 111 (ne resteront que le KG 4, qui fera beaucoup de transport, et le KG 53, qui lancera des V1) mais les KG 27 et KG 55 sont concernés, comme d'autres unités sur Ju 88/Ju 188 (KG 6, KG 30, KG 54) ou même Fw 200 - He 177 (KG 1 en Russie et KG 40, qui après le débarquement a perdu ses bases atlantiques). Pendant l'automne 1944 et l'hiver 1944-1945, ces unités, généralement requalifiées KG(J), reçoivent des Bf 109 et Fw 190 pour effectuer la conversion mais c'est le Me 262 qui, à terme, devra les équiper et, de fait, plusieurs vont en recevoir.
En octobre 1944, le SKV 40 est créé avec la majeure partie du KG 40 (dont quelques éléments vont subsister) et est prévu sur Me 262. Il semble en avoir reçu mais est dissous en février 1945.
Dès octobre 1944 également, le KG 54 reçoit quelques Me 262 et, lorsqu'il devient KG(J) 54 en novembre, son groupe I est entièrement converti mais un complément de Fw 190 arrive en renfort. Le KG(J) 54 sera dissous en février 1945.
En février 1945, les KG(J) 27, KG(J) 30, et KG(J) 55 en reçoivent quelques-uns mais la totalité des KG(J) 27, KG(J) 30, et KG(J) 55 sera dissoute en avril.
En mars 1945, le III/KG(J) 6 passe sur Me 262 mais tout le KG(J) 6 est dissous en avril.
La conversion des pilotes de bombardiers en chasseurs se révélant plus longue que prévu (le manque de carburant et le survol du Reich par les Anglo-Saxons ne facilitent pas l'entraînement, et changer les réflexes de pilotes expérimentés s'avère plus difficile que former des novices complets), aucune de ces formations n'aura vraiment été engagée au combat; seule une partie du KG(J) 54 sembla sur le point d'atteindre le statut opérationnel. En fait, la mise en service du Me 262 et du He 162 ont plutôt retiré du combat les unités concernées qu'augmenté les forces de première ligne.
En automne 1944 apparaît le Kdo Stamp, équipé de Me 262. Cette formation expérimentale devient en décembre Kdo Welter, probablement par simple changement de son chef. Les avions utilisés sont des Me 262B biplaces, version réalisée pour l'entraînement et hâtivement transformée en chasseur de nuit : le second siège est celui de l'opérateur radar, le radar remplace 2 canons du nez, et des réservoirs sont accrochés sous les râteliers avant à la place des bombes. La mise au point du mode d'emploi est assez longue : les nuits d'hiver sont défavorables aux vols, le kérosène manque, l'avion rattrape évidemment sans peine les lents quadrimoteurs anglais mais est trop rapide pour les ajuster correctement (problème également rencontré par les chasseurs de jour avec les bombardiers américains). Par contre, les Mosquito anglais, fléau des Ju 88 et Bf 110, ne lui posent aucun problème : le Me 262 les rejoint ou leur échappe à volonté. En avril 1945, le Kdo Welter, devenu parfaitement opérationnel, devient 10/NJG 11 et prend place parmi les unités de chasse de nuit ordinaire (le NJG 11 est une formation de chasseurs de nuit monomoteurs). C'est ainsi qu'il termine la guerre.
Bien que l'Ar 234 donne toute satisfaction pour la reconnaissance, on pense au Me 262 qui est disponible en bien plus grand nombre.
Fin novembre 1944 est constitué le Kdo Braunegg sur Me 262. Prévu pour la reconnaissance stratégique, il est immédiatement réattribué à la reconnaissance tactique (la reconnaissance stratégique est assurée par des Ar 234 à réaction qui s'en tirent fort bien, échappant à tous les chasseurs alliés), reçoit des Fi 156, et est redésigné EinKdo Braunegg, ce qui prouve son engagement en première ligne. Il devient peu après 2/NAGr 6 tout en continuant à être désigné Kdo ou EinKdo Braunegg, ayant début janvier 1945 absorbé un EinKdo Silber créé fin 1944 pour faire de la reconnaissance sur Me 262.
C'est que début décembre 1944 l'unité normale NAGr 6 a été prévue pour passer sur Me 262. Alors que ses escadrilles 1 et 2 sont sans avions depuis août 1944, le Stab/NAGr 6, lui, s'entraîne sur bimoteur Bf 110 en attendant ses Me 262. Ceux-ci arrivent fin décembre 1944 et remplacent les Bf 110 début janvier 1945. En février, le 1/NAGr 6 reçoit ses Me 262 et le 2/NAGr 6 absorbe le Kdo Braunegg. Le 2/NAGr 6 repasse sur Bf 109 avant fin avril mais les Stab/NAGr 6 et 1/NAGr 6 demeurent sur Me 262 jusqu'au bout.
L'entraînement est entièrement réorganisé fin 1944. Des Me 262 seront attribués aux ErgJG 2, ErgKG 1 et ErgKG(J). L'ErgJG 1 était prévu pour en avoir mais finalement l'instruction sur chasseurs à réaction sera confiée au seul ErgJG 2.
Moins de 100 exemplaires virent effectivement le combat, mais ils détruisirent 100 avions alliés dans les quelques semaines où ils purent voler. Ils étaient largement supérieurs aux autres avions par leur vitesse qui était en moyenne de 100 km/h plus rapide. L'expérience montra qu'ils étaient même trop rapides pour les quadrimoteurs américains qu'ils dépassaient souvent sans avoir le temps de les ajuster correctement, d'où l'idée de tirer des salves de fusées air-air R4M dont une seule suffisait à abattre un B-17 ou un B-24. Du fait de leur mise en service tardive, de leur faible nombre, de l'omniprésence des chasseurs alliés dans le ciel du Reich, et d'une consommation excessive de kérosène, leurs exploits furent toutefois sans incidence sur le dénouement de la guerre. Par ailleurs, les Allemands n'eurent pas l'idée de la combinaison anti-G, ce qui gênait les pilotes lors des manœuvres à grande vitesse et les empêchait de tirer tout le parti possible de leur appareil, alors que les Américains mirent les premières en service à l'extrême fin de la guerre (dans le Pacifique).
Les Britanniques avaient aussi un appareil à réaction, le Gloster Meteor, nettement moins innovant (ailes droites), mais il n'y eut jamais de combat de jets dans l'espace aérien de la Seconde Guerre mondiale.
En 1944 un vol expérimental du Me 262 se termina par un accident près du lac de Constance en Suisse. La Luftwaffe proposa alors plus d'une dizaine de Focke-Wulf Fw 190 à la Suisse pour récupérer la carcasse du Me 262.
Dans le livre Le Grand Cirque, l'as Pierre Clostermann raconte comment des pilotes allemands se posèrent sur l'aérodrome de Lübeck et se rendirent aux alliés en livrant leurs Me 262, expliquant les larmes aux yeux leur fonctionnement aux pilotes britanniques et français qui devaient les convoyer au Royaume-Uni pour examen détaillé.
Le 26 avril 1945, Adolf Galland général de la chasse allemande mène une formation de 6 Me 262 du JV 44 équipés de fusées R4M dans ce qui sera la dernière mission de guerre des Me 262.
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